
Un Louvre vieillissant mais toujours vivant, voyage au musée qui ne dort jamais
Février 2025
A l’occasion des nocturnes du louvre tous les mercredi et vendredi, l’immersion au cœur de ce musée montre un espace de vie qui ne cesse de vibrer. Confronté à de nombreuses problématiques quant à l’état de dégradation que connaît le plus grand musée au monde, les nocturnes offrent une occasion unique d’explorer la dualité entre acteur incontournable de la scène culturelle internationale et les effets du vieillissement.
Le Louvre, cet emblème de la culture mondiale, n’a pas d’âge. Ou du moins, il semble en être dispensé.
Ce lieu qui ne cesse de vivre, de respirer et de partager des œuvres permet un voyage dans le temps inégalable. La brise hivernale effleure les visiteurs venus admirer l’éclat de la pyramide du Louvre. L’entrée du musée, quant à elle, se cache sous cette même pyramide. Pour s’y rendre, au revoir la queue interminable. Scan des billets; contrôle des sacs; et nous voilà plongés au cœur de ce chef d’œuvre architectural.
Alors que la ville Lumière s’éteint doucement, laissant place aux réverbères qui nous guident dans la capitale, le Louvre, lui, ne dort jamais. Ces nocturnes permettent de découvrir la magie de ce lieu emblématique la nuit, un moment privilégié où, loin de l’agitation des foules, l’histoire se dévoile sous une lumière différente. Un moment suspendu où, malgré les signes évidents du vieillissement du bâtiment, le musée semble éternel.
Un regard plus intimiste
La visite débute dans l’aile Sully. Arpentant les longs couloirs où les œuvres sont à perte de vue, la visite se fait dans un calme absolu. Au loin un guide explique à son groupe “ici, on est dans l’aile la plus éloigné, elle est donc souvent très calme. C’est un plaisir de découvrir ces œuvres mythiques.
L’ambiance semble toute autre. Les lumières projetées sur les œuvres laissent entrevoir des détails et donnent à ces pièces d’arts une dimension plus mystérieuse, plus intrigante. On prend le temps de non seulement les voir, mais de les regarder.
DS en main, casque sur les oreilles, les touristes semblent dans une bulle à part entière et savourent ce moment hors du temps.
Sous ses airs calmes et sereins, le musée dissimule une complexité bien plus profonde. Le Louvre fait face à une affluence constante et ininterrompue. Alors que les visiteurs continuent de déambuler à travers ses vastes galeries, l’édifice, lui, commence à accuser les signes du temps. Le musée à la structure imposante, avec ses façades classiques et ses grandes colonnes sculptées, commence, elle aussi, à montrer des marques d’usures. Ces signes de fatigue témoignent de la nécessité d’une attention particulière pour préserver l’intégrité de ce monument unique.
Un lieu culte confronté aux signes du temps
Le Louvre connaît une surfréquentation touristique qui lui porte préjudice. Dans ces murs, près de 9 millions de visiteurs en 2024, pour un musée pouvant en accueillir 4 millions depuis la construction de la pyramide en 1988.
La présidente Laurence des Cars se confie dans une note destinée à la ministre de la culture Rachida Dati sur l’urgence nécessaire de travaux de rénovation. Une «multiplication d’avaries», une “réalité sévère de l’état» dans un musée «trop sollicités».
Des dégâts de plus en plus visibles avec des murs où l’usure marque les signes d’un passage du temps marqué et significatif. L’humidité, les variations de température, les vibrations dues au trafic autour du musée favorisent la fragilité de cet édifice.
Mais malgré ces signes de faiblesse dus au passage du temps, le musée ne s’arrête jamais. Ni même le soir.
Un musée qui ne dort jamais
Les différentiels de températures se font ressentir. La chaleur de l’aile de Sully se transforme en un courant d’air dans le centre de la pyramide.
Ce voyage à travers les peintures françaises se termine pour continuer dans l’aile Denon. Connu pour ces immenses couloirs où le plafond semble inaccessible, cet espace s’ouvre sur un univers où les chefs-d’œuvre se succèdent.
La foule, elle, est bien présente, même à 20h. Loin de l’ambiance privative de l’aile Sully, les visiteurs curieux se confondent. Couples, famille, amis ou encore visiteurs étrangers, le Louvre s’affirme comme un espace d’échange culturel où l’art semble à portée de main.
Cette forte présence montre un intérêt qui ne faille jamais et un musée qui ne semble jamais s’arrêter.
Elio, jeune étudiant est venu visiter le Louvre de nuit pour la première fois
Il raconte qu’il s’était préparé à la foule, mais ce qu’il n’avait pas anticipé, c’était l’atmosphère plus intime du musée après la tombée de la nuit.
“C’est super différent. J’ai l’impression de voir les œuvres sous un autre œil. Et puis même s’il y a du monde, l’ambiance reste différente. C’est plus posé, on profite plus du lieu”.
Les gens se mélangent. On entend parler pleins de langues différentes. Un groupe d’étudiants espagnol, pressé de voir la fameuse Joconde, se précipite dans la Salle 711, la Salle des États.
Les œuvres inestimables du Louvre rendent compte d’une richesse artistique qui fait de ce musée, un des plus attractifs.
Devant Le sacre de Napoléon, Benjamin, téléphone en main d’un côté, et son fils de l’autre, explique son intérêt tout particulier pour le musée.
“Je suis venue ici avec mon fils. Des fois c’est compliqué de trouver le temps d’aller au musée. Les nocturnes ça nous permet d’en profiter et de faire découvrir aux enfants l’art sous un autre œil. Le Louvre c’est un peu le musée symbolique de Paris et puis il y a tellement de choses que c’est super de venir ici”.
Des travaux devenues nécessaires
Devant l’aile Richelieu, le temps presse avant que le musée annonce la fermeture. La balade s’étend dans un espace majestueux avec des longs couloirs ornés de colonnes élégantes et de plafonds hautement décorés. La couleur blanchâtre de la pierre, mélangée aux lumières tamisées du Louvre et le plafond de verre infini donne l’impression d’être dans un petit jardin. La verdure apporte un côté chaleureux à cette galerie.
Devant cette entrée, Marie, assise confortablement sur sa chaise, vêtue avec l’uniforme aux couleurs du Louvre, s’occupe de la vérification des billets pour l’accès aux différentes ailes. Directement immergée au cœur du musée, elle se retrouve face aux dégradations de manière immédiate.
“C’est vrai qu’il y a de plus en plus de problèmes d’isolation. Des espaces où il va faire super chaud et d’autres pas du tout. Il y a quelques fuites à certains endroits donc il faut prévenir dès qu’on les détecte. Le but, c’est que les visiteurs ne remarquent rien. Si ça venait à se voir, ça ferait perdre un peu de l’enchantement et de la magie du lieu. »
Le caractère immédiat des travaux se fait ressentir afin de préserver ce lieu chargé d’Histoire. C’est un lieu, avec ses 35 000 pièces d’art, réparties sur près de 73 000 m² d’exposition, où les œuvres ne sont plus les seuls témoins du passage du temps. Prévue à partir de 2026, les travaux commenceront par la création d’une nouvelle entrée, à l’extrémité de la cour carrée afin de soulager celle de la pyramide. De nouvelles salles seront également créées qui accueilleront notamment la “Joconde”, dans une salle lui étant attitrée.
Les nocturnes du Louvre sont donc une invitation à comprendre la dualité du musée : un emblème culturel en plein vieillissement, mais toujours vivant, toujours en mouvement. Les travaux nécessaires pour préserver l’édifice sont plus que jamais essentiels. Mais le Louvre prouve à chaque nocturne, qu’il ne dort jamais.
Comme une œuvre en constante évolution, qui affronte l’épreuve du temps, il se transforme pour préserver son héritage culturel tout en continuant d’attirer du monde. C’est cette constante transformation qui fait du Louvre un monument éternel, un lieu où le passé et l’avenir se rencontrent sans cesse.